Assurance-Construction : les éléments d’équipement adjoints à l’existant relèvent de la garantie contractuelle de droit commun
Publié le :
03/04/2024
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Source : www.courdecassation.frPar son arrêt du 21 mars 2024, la cour de cassation opère un revirement de jurisprudence qui ravira les assureurs de garantie décennale, au détriment des maîtres d’ouvrage.
Dans la droite ligne des arrêts de la cour de cassation la cour d’appel de Montpellier a jugé que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, puis retient que le désordre affectant l'insert de cheminée a causé un incendie ayant intégralement détruit l'habitation.
La compagnie AXA, assureur de garantie décennale, critiquait la position de cour d’appel en rappelant que seuls relèvent de la garantie décennale les désordres causés par les travaux constitutifs d'un ouvrage ; que les travaux d'installation d'un insert dans un conduit de cheminée existant, qui n'impliquent pas la réalisation de travaux de maçonnerie ni atteinte portée au gros oeuvre de l'immeuble, ne constituent pas un ouvrage.
La cour de cassation retient le moyen d’AXA et casse l’arrêt de la cour d’appel, après rappel de sa précédente jurisprudence :
Alors qu'il était jugé antérieurement, en application de l’article 1792 du code civil, que l'impropriété à destination de l'ouvrage, provoquée par les dysfonctionnements d'un élément d'équipement adjoint à la construction existante, ne relevait pas de la garantie décennale des constructeurs, la Cour de cassation juge, depuis l'année 2017, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.640, Bull. 2017, III, n° 71 ; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323, Bull. 2017, III, n° 100)
Elle a, également, écarté l'application de l'article L. 243-1-1, II, du code des assurances, selon lequel les obligations d'assurance des constructeurs ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles, lorsque les désordres affectant l'élément d'équipement installé sur existant rendaient l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination (3e Civ., 26 octobre 2017, pourvoi n° 16-18.120, Bull. 2017, III, n° 119).
la cour de cassation ajoute que ce revirement de jurisprudence poursuivait, en premier lieu, un objectif de simplification en ne distinguant plus selon que l'élément d'équipement était d'origine ou seulement adjoint à l'existant, lorsque les dommages l'affectant rendaient l'ouvrage en lui-même impropre à sa destination.
Il visait en second lieu à assurer une meilleure protection des maîtres de l'ouvrage, réalisant plus fréquemment des travaux de rénovation ou d'amélioration de l'habitat existant.
Cependant, la cour de cassation relève que l’objectif n’a pas été atteint.
C'est pourquoi, juge-t-elle, qu’il apparaît nécessaire de renoncer à cette jurisprudence et de juger que, si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs.
D’une part, cela exonère les constructeurs de leur obligation d’avoir à souscrire une garantie décennale lorsqu’ils installent des éléments d’équipement tels que des inserts, des pompes à chaleurs etc.
La jurisprudence étant d’application immédiate, qu’en est il des constructeurs qui n’auront pas souscrit d’assurance responsabilité civile et pour lesquels l’assurance décennale ne sera pas mobilisable ?
D’autre part, cette jurisprudence a un impact procédural important puisqu’elle impose au maître d’ouvrage d’agir judiciairement dans le délai de droit commun de cinq ans et la responsabilité de plein droit du constructeur étant écartée, de rapporter la preuve de sa faute, de ses préjudices et enfin, du lien de causalité entre cette faute et ses préjudices.
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