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Les autorisations de construire sont délivrées sous réserve des droits des tiers : sur la force obligatoire des cahiers des charges

Publié le : 06/05/2021 06 mai mai 05 2021
Source : www.legifrance.gouv.fr

Conformément à une jurisprudence ancienne et constante, le cahier des charges d’un lotissement constitue, quelle que soit sa date, un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues (Civ. 3e, 18 déc. 1991, n° 89-21.046, Bull. civ. III, n° 328  ; 21 janv. 2016, n° 15-10.566 ; 14 sept. 2017, n° 16-21.329).

S'agissant du cahier des charges d'un lotissement, l’article L 442-9 du Code de l'Urbanisme dispose que les règles d'urbanisme qu'il comprend deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme. L'alinéa 3 ajoute cependant que cette caducité ne remet pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.

S'agissant des Z.A.C., l’article L 311-6 du Code de l’Urbanisme dispose que « Les cessions ou concessions d'usage de terrains à l'intérieur des zones d'aménagement concerté font l'objet d'un cahier des charges qui indique le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée. Le cahier des charges peut en outre fixer des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone.

Le cahier des charges devient caduc à la date de la suppression de la zone ».

Dans les rapports entre propriétaires, cette caducité les prive-t-elle de se prévaloir des règles d’urbanisme comprises dans le cahier des charges devenu caduc, après suppression de la Z.A.C ?

Telle était la question de droit qui devait être tranchée par la Cour de Cassation.

Par un arrêt en date du 4 mars 2021 (n°19-22987, publié au bulletin), la Cour de Cassation répond par la négative.
L’arrêt est rendu au visa de l’article 1134 du code civil (art. 1103 nouveau), selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, les époux T avaient acquis le 1er juillet 2014 une parcelle située dans une zone d’aménagement concerté créée le 30 mai 2005 et supprimée le 17 décembre 2013, puis fait construire une piscine, ainsi qu’un local technique de 4 m² implanté en limite de propriété.

Leurs voisins les ont assignés en référé sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile pour obtenir la démolition du local technique en invoquant la violation du plan local d’urbanisme, ainsi que le non-respect du cahier des charges de la ZAC., alléguant en outre que le titre de propriété des époux T reproduisait ledit cahier.

Les voisins sont déboutés de leurs demande par la Cour d’Appel de NIMES au motif que le cahier des charges de la Z.A.C. devient caduc à la date de suppression de la zone.

La Cour d’appel ajoute que la ZAC a été supprimée par délibération du conseil municipal du 17 décembre 2013, soit avant la date d'acquisition de leur bien par M. et Mme T. et que le seul rappel par leur acte notarié de certaines clauses et conditions dudit cahier des charges, caduc par l'effet de la loi, ne crée pas à la charge de M. et Mme T. une obligation de nature contractuelle dont leurs voisins seraient susceptibles de se prévaloir pour poursuivre, au motif du trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance des prescriptions de ce cahier des charges, la démolition d'un abri technique de piscine contrevenant à celles-ci.

La Cour relève que « Si, en vertu du second, les cahiers des charges de cession de terrains situés à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 deviennent caducs à la date de la suppression de la zone, cette caducité ne fait pas obstacle à ce que les stipulations de ces cahiers des charges continuent de régir, en raison de leur caractère contractuel, les rapports entre les propriétaires qui y ont consenti ».


En conséquence, la Cour de Cassation censure l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes en considérant qu’en « se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la reproduction, dans l’acte de vente, des stipulations du cahier de charges, qui prévoyaient que tant les règles de droit privé s’ajoutant aux dispositions contenues dans le plan local d’urbanisme que les conditions générales des ventes consenties par l’aménageur devraient être reprises dans tous les actes de revente et s’imposeraient dans les rapports des propriétaires successifs entre eux et que le cahier des charges serait opposable à quiconque détiendrait tout ou partie du territoire de la ZAC, ne caractérisait pas la volonté des parties de conférer à ces obligations, par une stipulation pour autrui, un caractère contractuel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Avant chaque projet de construction au sein d’un lotissement ou d’une ancienne Z.A.C., il faut donc être vigilant sur la subsistance des règles comprises dans les cahiers des charges, le droit des tiers étant susceptible, sur un fondement contractuel de droit privé, de remettre en cause l’autorisation administrative de construire et de conduire à la démolition de l’ouvrage.
 
 
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