Sur l’action en réparation des troubles de voisinage consécutifs à l’édification d’un ouvrage méconnaissant les règles d’urbanisme
Publié le :
24/10/2017
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En application des dispositions de l’article L 480-13 du Code l’Urbanisme, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans l’un des secteurs protégés définis par ce texte (zones de montagne, zones du littoral, cœur de parcs nationaux, réserves naturelles, sites inscrits ou patrimoniaux, monuments historiques etc.).
Il est rappelé que par un arrêt en date du 12 septembre 2017, la Cour de Cassation a soumis au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante « Les dispositions de l'article L 480-13, 1° du code de l'urbanisme, dans leur version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 4 de la Charte de l'environnement ? ».
En l’attente actuel du droit et de la décision du Conseil Constitutionnel à intervenir, si la construction irrégulière n’est pas située dans l’un des secteurs protégés visés l’article L 480-13 du Code de l’Urbanisme, un tiers est irrecevable à agir en démolition de l’ouvrage irrégulièrement édifié.
Le délai de prescription de l’action en démolition est deux ans à compter de la décision devenue définitive de la juridiction administrative.
Si le tiers lésé ne peut agir en démolition, il demeure recevable à agir devant la juridiction civile, en réparation du trouble consécutif à la réalisation de l’ouvrage ainsi réalisé, sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code Civil (anciennement 1382). Le délai d’action est alors porté à 5 ans, à compter de l’achèvement de l’ouvrage irrégulièrement édifié.
Le tiers devra alors justifier de l’irrégularité de l’ouvrage édifié au regard des règles d’urbanisme : cette action nécessite un renvoi préjudiciel devant le juge administratif, qui devra statuer sur la légalité de l’autorisation de construire, alors même qu’elle serait devenue définitive.
Le tiers devra également justifier de la réalité de son préjudice, lequel peut être constitué par une perte de vue, d’ensoleillement ou autre nuisances.
L’action étant fondée sur les dispositions de l’article 1240 du Code Civil (anciennement 1382 du Code Civil), le tiers lésé n’a pas à justifier du caractère anormal du trouble subi, c’est-à-dire de l’existence de nuisances qui excéderaient les inconvénients normaux de voisinage.
Par une décision du 12 septembre 2017 (Pourvoi n°16-19983), la troisième chambre civile de la Cour de Cassation juge qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande tendant à la démolition de l’ouvrage irrégulièrement édifié, les requérants ne pouvant, en application des dispositions de l'article L480-13 du Code de l'Urbanisme, demander, du fait de la méconnaissance d'une règle d'urbanisme, la démolition de l'annexe litigieuse puisque le permis de construire n'a pas été, préalablement, annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.
En revanche, la Cour de cassation juge « que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par les requérants en réparation de leur préjudice de jouissance, l'arrêt retient que la réduction partielle d'ensoleillement d'une pièce pendant une période de l'année ne constitue pas un trouble anormal du voisinage dans une zone urbanisée ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, alors que les requérants fondaient leurs prétentions sur l'article 1382 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Il en résulte qu’en présence d’un ouvrage irrégulièrement édifié et dès lors que l’action en démolition est irrecevable au regard des dispositions de l’article L 480-3 du Code de l’Urbanisme, l’action en réparation du préjudice subi par les tiers, notamment en raison d’une perte de vue ou d’ensoleillement, demeure recevable et bien fondée en application des dispositions de l’article 1240 du Civil, sans qu’il ne soit nécessaire de rapporter la preuve du caractère anormal du trouble subi.
La précision est importante puisqu’il sera rappelé que la perte de vue ou d’ensoleillement ne constitue pas nécessairement un trouble anormal de voisinage, notamment dans les zones très urbanisées (Civ. 3e, 21 oct. 2009, n° 08-16.692, AJDI 2010. 388, obs. D. Tomasin ; RDI 2010. 161, obs. F. Nési).
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